WP2 : Régimes territoriaux

Régimes territoriaux d’autonomie (A. Sopadziyan, L. Trabut)

Saisis dans une arène territoriale, les régimes d’autonomie renvoient avant tout aux capacités des acteurs institutionnels et organisés et des familles ou proches à mettre en œuvre l’accompagnement. L’arène territoriale est avant tout aux prises avec les ressources disponibles localement. La contingence de ces ressources, comme leviers de l’implémentation, vient alors redéfinir les régulations nationales aboutissant ainsi à une appropriation de la définition de l’autonomie. Pour cela, Aurelia propose d’analyser l’évolution des ressources et des configurations d’acteur dans l’espace et le temps, à l’échelle locale.

Caractérisation des territoires et rapports à l’autonomie

Des différences importantes ont été mises en évidence entre pays dans les choix en matière d’accompagnement à l’autonomie qui résultent notamment de traditions, de lois et de contextes géopolitiques différents (Lavoie et Clément, 2005 ; Gérontologie et société, 2003 ; Ishii, 2013). Les dispositifs sociaux d’accompagnement à l’autonomie qui coexistent aujourd’hui sur les territoires sont le résultat d’une combinaison de dispositifs ancrés à différentes échelles d’action publique. Afin de tester l’hypothèse que le déploiement des dispositifs nationaux est en partie contingent des ressources disponibles dans un territoire, on propose dans un premier temps de recenser les ressources propres aux différents territoires étudiés. Cette approche repose sur une analyse diachronique et synchronique des dispositifs impliqués dans les régimes d’autonomie. 

  • Sous-tâche 1.a recensement des dispositifs :

Un travail de recensement des dispositifs se rapportant à l’accompagnement à l’autonomie, dans 3 territoires par pays sera réalisé. On se focalisera sur des dispositifs d’accompagnement des deux populations ciblées dans le projet en retenant notamment ceux relevant des champs du sanitaire et du médico-social, ainsi que sur les dispositifs de soutien aux aidants. Afin d’identifier ces dispositifs, on s’appuiera sur l’analyse systématique des documents administratifs et de politiques publiques[1]. Les territoires, sélectionnés en concertation avec les équipes partenaires identifiées dans chaque pays, présenteront des caractéristiques économiques et sociales contrastées (urbain/rural, niveau de développement socio-économique), mais aussi des modalités d’accompagnement à l’autonomie (établissement/domicile, implication des familles, importance du marché, etc.) différentes et permettront d’étudier une variété de dispositifs et de structures impliqués dans le déploiement des régimes. En France, un territoire rural de Loire-Atlantique sera sélectionné en concertation avec l’équipe nantaise impliquée dans le projet. Un territoire urbain sera sélectionné en Île-de-France et un troisième terrain, choisi dans le sud-ouest français plus familialiste (Trabut, Gaymu, 2016) complétera ces deux premiers terrains. Les choix des terrains internationaux respecteront les contrastes pertinents à chaque espace national : par exemple, en Allemagne entre l’Est et Ouest, au Canada entre province francophone et anglophone.  

L’analyse documentaire permettra de comprendre les dynamiques locales de mise en œuvre de l’autonomie. Il s’agira de formuler des hypothèses quant à leurs conditions d’émergence et de déploiement en observant les sources administratives sur un temps long (une vingtaine d’année). 

L’inventaire réalisé à partir des documents administratifs sera complété et objectivé par un recensement quantitatif des équipements sur l’ensemble des territoires infranationaux pour dresser un état des lieux chiffré des dispositifs en lien avec une évaluation des besoins des populations. On cherchera à caractériser les territoires en fonction de leurs équipements en tenant compte des caractéristiques de ces derniers, lorsque cela sera possible. A cette fin, nous mobiliserons des données d’enquête et administratives[2] pour dresser des portraits territoriaux standardisés permettant un travail de comparaison et d’objectivation des régimes. Avec une ambition exhaustive en France, ce travail sera réalisé en fonction de la disponibilité des données administratives dans chacun des pays.

  • Sous-tâche 1.b analyses de séquences : 

Dans un second temps, afin de comprendre l’articulation des dispositifs aboutissant à la situation actuelle, on analysera leur construction historique à partir de l’analyse de l’implémentation des dispositifs dans une perspective territoriale et longitudinale. Nous faisons l’hypothèse qu’une reconstitution de l’historique est nécessaire pour comprendre l’articulation entre les évolutions démographiques, socio-économiques d’une part et l’action publique dans ses multiples dimensions d’autre part. 

Afin de reconstituer les « histoires territoriales », on s’appuiera sur des indicateurs définis à partir des données identifiées dans la sous-tâche 1.a. et des sources propres à chaque pays[3]. On s’appuiera sur des méthodes d’analyse de séquences. Notre objectif est de dégager des séquences de développement de l’État social au niveau territorial afin de les comparer aux séquences de développement national et d’en dresser une typologie à l’instar de A. Abbott et S. Deviney (1992). En sélectionnant les instruments et mesures à analyser en fonction de leur ancrage dans un secteur (médico-social ou sanitaire) pour l’essentiel, plutôt qu’en fonction des destinataires (aidants, personne en situation de handicap, personne âgée), on permet l’observation des combinaisons entre dispositifs en plus de comprendre comment ils se sédimentent dans le temps. En ordonnant dans le temps l’apparition, le développement, voire la disparition de certains dispositifs ou acteurs, on cherchera à reconstituer des séquences propres à chaque territoire et à les comparer.
 
[1] Par exemple en France, l’étude des schémas d’autonomie et des schémas d’organisation sociale et médico-sociale des conseils départementaux permettra d’isoler 4, voire 5 périodes (la durée maximale des schémas étant de 5 ans depuis 2002) de structuration des politiques et services depuis la mise en place de ces outils dans la loi de 2002-2 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Cette étude au niveau départemental sera complétée par l’étude de documents régionaux, notamment les schémas régionaux d’organisation médico-sociale (loi 2009 « Hôpital, Patients, Santé et Territoires »), les projets régionaux de santé et schémas régionaux de santé.
[2] Pour la France, l’enquête EHPA, les statistiques annuelles des établissements de santé, les données sur les dépenses, le personnel ou encore les bénéficiaires d’aides sociales aux personnes âgées et aux personnes handicapées issues de l’enquête « Aide sociale » menée annuellement auprès de l’ensemble des conseils départementaux français, le fichier national des établissements sanitaires et sociaux (Finess). Pour les pays étrangers les sources seront identifiées avec les partenaires nationaux.
[3] Outre le fichier Finess qui comporte des dimensions longitudinales (création/disparition des établissements), de localisation de tous les établissements et les données départementales de l’action sociale, on utilisera des données administratives pour décrire les territoires d’un point de vue économique et démographique : indicateurs de fragilité sociale, d’accès aux droits et de non recours aux soins disponibles par l’intermédiaire de l’Observatoire interrégime des situations de fragilité, indicateur d’accessibilité potentielle localisée (APL), indice de défavorisassions sociale (FDep)

L’autonomie mise en musique et la mise en œuvre des instruments

Suite à l’état des lieux dressé en tâche 1, la tâche 2 propose d’analyser la mise en œuvre de l’autonomie dans les territoires retenus à partir des interactions organisationnelles et professionnelles entre les structures participant à l’accompagnement des individus dans les deux ou trois territoires choisis[1].

Elle s’appuie sur une enquête qualitative à caractère monographique. Nous interrogerons à la fois les acteurs publics qui pilotent et financent ces structures lorsque celles-ci sont territorialisées, ainsi que les directions et responsables des dispositifs de services impliqués dans l’accompagnement. Les entretiens viseront à comprendre comment, avec quels enjeux et quels effets, s’opère le maintien de l’autonomie. Il s’agira de revenir sur la genèse et la dynamique des dispositifs étudiés, sans oublier leurfonctionnement et leurs éventuels dysfonctionnements en lien avec l’objectif d’autonomie qu’ils se/ou qu’on leur a fixé. Les entretiens permettront d’analyser le déploiement local de la définition de l’autonomie en mettant en évidence tant les avancées que les éventuels obstacles organisationnels, institutionnels ou professionnels à la réalisation des différentes dimensions de l’autonomie. Ces entretiens seront complétés d’observation, notamment dans les espaces d’hébergement et d’accompagnement collectif.

Dans le rapport plus spécifique à l’instrumentation, cette tâche est consacrée à une analyse de programmation de la mise en œuvre des instruments retenus d’abord à l’aune des acteurs de la mise en œuvre et à la lumière des savoirs qui la guident, aussi bien par les professionnel.les que par les proches aidant.es. Dans les différents pays, une grande diversité de corpus de référence (techniques, fonctionnels, auto-évaluatifs, psychologiques, pluri-disciplinaires, etc.) guident la mise en œuvre des instruments sélectionnés.

Pour chacune des familles d’instruments sélectionnés : a- mesure de la perte d’autonomie, b- norme d’autonomie à restaurer et logique de réhabilitation, c- outil de compensation de la perte d’autonomie), on caractérisera :

Les acteurs de la mise en œuvre (statuts, secteurs ou structure administrative, professions, logiques d’interaction avec les publics, encadrement et contrôle des actes de mise en œuvre, etc.) ;
Les savoirs professionnels et techniques (par exemple dans le cas de la France, le faible développement des sciences infirmières ou du soin) ;
L’encadrement juridique des procédures de soin (responsabilités, obligations, dérogations, etc.) ;
Les corpus de valeurs ou de référence qui guident l’action des profanes (proches aidants notamment) ;

 
[1] Deux ou trois territoires par pays.